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Emportée par son élan, handicapée par sa mauvaise vue, Blonde venait de heurter de plein fouet une sœur qui avait jailli de derrière une colonne du cloître.

– Pardon ! Oh, pardon ! s’exclama-t-elle en se penchant pour ramasser ses plumes éparpillées sur le sol dans une mare noire – en tombant, son encrier s’était brisé.

– Je vous en prie, ne… ne dites pas à mon maître que je suis venu ici.

Blonde se figea, un genou au sol.

Cette voix n’appartenait à aucune des ursulines.

En réalité, ce n’était même pas une voix de femme.

La jeune fille releva la tête vers la personne qui s’était accroupie devant elle pour l’aider à ramasser les plumes. Elle reconnut le jeune tailleur de pierre qui venait chaque jour à Sainte-Ursule depuis une semaine. Jusqu’à présent, elle ne l’avait vu que de loin, occupé à la réfection du grand escalier du couvent, pour laquelle les sœurs les avaient mandatés, son maître et lui. L’itinéraire des pensionnaires entre la classe, la chapelle, le dortoir et le réfectoire avait été soigneusement étudié par les religieuses pour éviter que leurs protégées ne croisent les deux intrus durant la durée des travaux. Aussi la présence du jeune homme dans le déambulatoire était-elle tout à fait anormale.

– J’ai entendu sonner les vêpres, expliqua-t-il, le souffle court. Je pensais que les demoiselles et les sœurs seraient toutes à la chapelle. Je voulais juste en profiter pour aller regarder la statue dans le cloître.

Blonde jeta un coup d’œil furtif à la grande statue de sainte Ursule qui se dressait sur un piédestal, au milieu du cloître bleui où le soir tombait déjà. Elle avait énormément souffert lors de la Révolution, quarante ans plus tôt. Les sans-culottes lui avaient brisé les mains et râpé tout le visage ; sans doute l’auraient-ils renversée si elle n’avait été si lourde. 

 

ANIMALE

La malédiction de Boucle d'Or